Les dix mille êtres
29 mai - 3 juillet 2021
Dans la pensée taoïste, les « Dix Mille Êtres » correspondent à l’engendrement naturel et fécond de toutes les choses à partir d’une même unité, le Tao ou la Voie. Ce concept est issu du Livre de la Voie et de la Vertu (Dao De Jing) écrit par Laozi il y a plus de 2000 ans. On peut y lire la strophe suivante: « la Voie est unique, elle engendre la dualité Yin et Yang, leur mélange engendre la trinité, la trinité engendre les dix mille êtres ». Les dix mille êtres sont donc la totalité des choses qui existent. Le nombre dix mille, encore à la base du système de dénombrement chinois, contient en lui cette propriété de genèse en ce qu’il est le carré du carré de 10 (la myriade, qui en grec ancien signifie dix mille).L’émergence des dix mille êtres ne se contrôle pas, les choses de ce monde ne dépendent pas de notre volonté et se développent librement.
Dans les préceptes taoïstes, cette idée implique un détachement des choses matérielles et une acceptation du cours de la vie qui nous échappe. Ne rien accumuler libère de la crainte de perdre ce que l’on possède.Le principe de genèse des dix mille êtres est au cœur de ma série « Méditation ». Mes créations antérieures se sont souvent attelées à exprimer l’extérieur tel que je le percevais. Je recherchais des sujets, des thèmes, des phénomènes, au dehors de moi pour exprimer ma pensée.
Cette nouvelle série s’inscrit en rupture avec ce processus. Mon discours puise maintenant sa source dans mes états intérieurs. Je vois ma relation au monde comme une introspection, et ma peinture comme une catharsis. Elle devient le reflet de ma conception de la vie. Ce mouvement traduit le déroulement de mes expériences personnelles, en tant qu’étrangère, venue s’installer loin de ses racines. Au sentiment d’appartenance à un lieu et une culture, ont suivi l’éloignement et l’isolement. Des proches ont quitté ce monde sans que je puisse leur dire au revoir. Petit à petit s’est imposée l’idée que mon départ n’a pas de sens en soi, que tout n’est que répétition d’un même cycle, et que ce cycle ne se contrôle pas. Les dix mille êtres sont la répétition, ma peinture est répétition d’un même geste. Cependant, du vide, raison originelle de la répétition, il émerge toujours de celle-ci la multitude, la nouveauté, l’inattendu, la beauté, le mystère.
Xiaojun Song