Entre les mondes - Christine Crozat
16 octobre - 23 novembre 2019
Françoise Besson est heureuse d’inviter Christine Crozat pour sa deuxième exposition personnelle à la galerie, Entre les mondes. Une sélection d’oeuvres sur papier sera visible sur les cimaises du 16 octobre au 23 novembre 2019 en résonance avec la 15 ème biennale d’art contemporain de Lyon 2019 « là où les eaux se mêlent » Entre les Mondes : Christine Crozat
Qu'est-ce que le papier calque, sinon un lieu de passage d'un dessin à un autre, un espace de transmission, qui raconte une petite partie de l'histoire, encore incomplète et fragmentaire ? Le papier calque est le lieu où se mêlent les mondes, celui de l'esquisse et de l'achevé, de l'oscillant et du fixe, du jour et de la nuit : Entre les mondes. Cet interstice se manifeste dans la méthode même : dessiner les contours, ne retenir que la forme essentielle et épurée. S’attacher au magnétisme du détail. Christine Crozat, en passionnée d’histoire des arts, retient, repère, puis explore. Une fleur d’un Godard pour un Portrait rouge, une mule de La mort de Sardanapale pour Queen’s bee shoe. Le détail est extrait, ciselé hors de son ensemble de référence pour lui donner une nouvelle place, un nouveau sens. Le détail comme transmission d’un monde à un autre. Vient ensuite la série des «Gris de Payne » : la presqu’île de Shimokita inspire Christine Crozat. Le végétal et l’aquatique se mêlent, les hautes herbes et les fleurs se superposent aux nuages. Des flèches ancrent parfois les formes éthérées au sol, comme pour prévenir leur envol en dehors du cadre, arrondies et trop légères. Au-delà du papier calque, la série Dans les champs de Christine Crozat exprime cet Entre les mondes, entre le monde des hommes et celui de la vie quasi microscopique qui fourmille dans le champ, qui ne peut être accessible qu'en se penchant pour se mettre humblement à sa hauteur. En avançant « à l’aveugle », les champs et leurs mouvements se construisent d’eux-mêmes. On assiste à une pérégrination. L’artiste progresse avec son dessin, l’accompagne. C’est ici que l’on trouve l’oscillation, entre inquiétude et sérénité : un premier champ est caressé par la brise qui donne à écouter le silence apaisant de la montagne ; s’y oppose un deuxième champ couché, chaotique, n’attendant plus que la lacération de la moissonneuse venue arracher la plante de sa terre. Un autre encore rappelle une fourrure, animalité sauvage et rebelle. L’incision et le détail de la ligne donnent à voir le mouvement : la bête louvoie. Elle chasse, traque sa proie. Porteuse de mort et de vie ; encore et toujours l’oscillation et la dualité. « Autoportraits au chardon » : la vie devient survie. Prête à se défendre, la fleur n’en demeure pas moins fragile sur sa tige légère. Remonter cette tige, du regard vers la fleur, cheminer dans la nuit de l’incertain vers l’affirmation franche de la vie. Suivre le trait de fumée d’une fusée de détresse vers l’éclat lumineux, brillant mais éphémère. Manière de signifier brièvement et intensément sa présence dans l’épaisseur de la nuit. Lorsque la nuit n’est plus épaisse, elle est lacérée par la pluie, dans un rideau dense et constant, magnifiquement rendu par le travail du papier et du noir. Et pourtant, la fleur est bien présente, elle illumine le dessin. La violence des verticales tranche avec sa blancheur éthérée. La fleur lutte pour être vue ; elle peut disparaître, à tout moment.
Xavier Petit 2019